mardi 23 avril 2019

Présentations

Je commence cette histoire alors que Grizzly n'habite même pas encore avec nous.
Mais quand j'ai découvert la toute première photo de lui, il y a tout de suite eu comme une certitude qui s'est installée. Sa tête, et surtout son regard, m'ont de suite été familiers. Et je me suis dit: "c'est lui!"





C'est peut-être un peu léger comme argument, vous allez dire, pour adopter un chien, pour se lancer dans dix ou quinze ans d'une amitié pure et profonde, d'une complicité sans faille, et d'aventures quotidiennes. Mais bon, c'est comme ça, je maintiens ce que j'ai dit: "c'est lui, j'en suis sûr!"

Depuis un moment déjà, je pense à agrandir notre jolie famille avec un fidèle compagnon à quatre pattes et aux yeux gentils.
Il faut dire que j'en ai déjà eu un, un grand copain que j'ai adoré: Loucky.
Loucky, c'était "mon chien à moi et p'is qui est mort", comme dirait Renaud. Sauf que Loucky, on l'a vu en vrai, Fanny et moi, derrière les barreaux de sa cage à la S.P.A. Et, pareil, on s'était dit: "c'est lui!"
Il était là, avec ses fameux yeux gentils aussi, comme s'il nous attendait. Il avait 3 ans. Sa maman était une Labrador qui vivait dans un élevage et à qui la Providence avait permis un jour d'aller goûter à un peu de liberté. Elle a alors rencontré un mâle sûrement très beau ou bien beau-parleur. Et puis, voilà. Loucky, ne ressemblant qu'à moitié à un Labrador, avec son épais pelage noir et beige, n'a jamais été à vendre. Heureusement pour nous. On l'a quand même promené deux fois, par acquis de conscience et pour avoir l'air sérieux. Il m'a démonté un peu l'épaule gauche, et beaucoup l'épaule droite. Normal, on s'est dit, il a trois années de balade à rattraper! Il apprendra. Et il est rentré avec nous à la maison.
Douze ans plus tard, il me démontait toujours l'épaule. Mais jamais longtemps parce qu'on habite une maison bleue adossée à la colline, avec juste derrière l'immensité de la forêt des Vosges qui s'étend à n'en plus finir dans des vallées profondes et sur des sommets arrondis. Notre terrain de jeu, à Loucky et moi. Laisse interdite sur un tel espace synonyme de liberté. Tant mieux pour Loucky. Et pour mon épaule aussi.
On en a parcourus des kilomètres, tous les deux, dans cette gigantesque forêt.
Loucky était déjà là quand j'ai obtenu mon tout premier poste d'instit'; quand Fanny et moi nous sommes installés dans notre maison; quand Kidal le chat est arrivée, sa grande amie; quand Arthur est né; puis Noé, trois ans plus tard.

Loucky était là. Et puis, il a été temps pour lui de s'en aller. C'est comme ça. Le matin de son dernier jour, après six mois passés à galérer avec ses pattes arrière, il nous a fait comprendre que, ça y était, il était prêt. Arthur et Noé, qui avaient 6 et 3 ans, lui ont dit au-revoir. Fanny et moi sommes allés nous balader une toute dernière fois avec lui. Quinze minutes dans la forêt au cours desquelles il a marché tout doucement, tout tranquillement, parmi nos arbres. Il a reniflé quelques derniers messages. Et on s'est mis en route. Une heure plus tard, son fameux regard quittait ses yeux gentils. Je suis allé chercher la voiture, garée un peu plus loin, pour enterrer Loucky dans le jardin. Et là, une fois tout seul, j'ai pleuré comme jamais.

C'était il y a trois ans.

Et maintenant, me voilà prêt pour une nouvelle amitié.
On ne pourra pas dire que j'ai pris le sujet à la légère: j'ai réfléchi, j'ai réfléchi! Avec quel chien je m'entendrais le mieux? Pas forcément dans l'ordre, j'ai pensé à un Border Collie, un Husky, un Eurasier, un Berger Suisse ou Australien ou Yougoslave... Et avant tout peut-être, à un croisé de tout ça. L'idée de donner une seconde chance à un animal me plaît bien aussi. Mais à chaque piste explorée, le chien s'est révélé trop instable pour une famille avec des enfants... et des chats.
On est même allés voir un chiot croisé entre une magnifique Eurasier et un vieux Jack Russel auquel je n'attribuerais pas d'adjectif.

Et puis, voilà: j'ai vu sa fameuse photo. J'ai tout de suite téléphoné. La dame au bout du sans-fil m'a expliqué que sur la portée de six, il restait encore les deux petits mâles. Un tout blanc et un gris et noir. Le papa: un Berger Blanc Suisse qui, comme son nom l'indique, possède un long pelage blanc magnifique et même très beau. Sa maman, une Berger Schaeferhund. Donc, comme son nom ne l'indique pas, elle ressemble comme deux gouttes d'eau à mon Loucky, mais avec des oreilles pointues. C'est le chien de Berger de l'ex-RDA, ai-je lu, mais avec un pelage plus long et plus clair, et un dos droit.
Le petit chiot qui reviendra peut-être avec nous deviendra donc très certainement un chien grand et musclé juste comme y faut, sportif, l'oeil vif et le front intelligent, très attaché à ses amis humains mais un peu l'esprit indépendant aussi. Et comme on dit souvent qu'un chien ressemble bien souvent à son "maître", j'ai tout de suite pensé qu'on pourrait bien s'entendre, lui et moi. 

Grizzly habite pour l'instant au pied du Petit Ballon, un sommet vosgien pas petit du tout, qui culmine à plus de 1200m d'altitude. Il est né dans une pension pour chats, avec aussi un cheval, des moutons et des lapins. Et aussi un Jack Russel.
Quand on est arrivés tous les quatre, on a d'abord repéré le plus noir de la bande, celui avec les plus grosses pattes. Peut-être parce que c'est lui qui ressemble le plus à Loucky. Malheureusement, deux jours plus tard, on apprend qu'il est presque sourd. Gros risque donc qu'il devienne agressif en grandissant. Pour éviter ça, il restera vivre avec son père (et un Husky) et ne sera donc jamais tout seul.
Deuxième visite, donc. Le petit frangin tout blanc est là, tout tranquille. On passe une bonne heure à faire connaissance, mais moi il m'a fallu quatre secondes grand max pour savoir. Ce que je voulais surtout observer, c'était ses yeux. Aucun doute, ses yeux bleus-gris (pour l'instant?) ont le fameux regard gentil que je cherchais.

- Tu l'aimes, Papa? me demande Arthur. Moi, je l'aime!
- Ouais, je crois bien! je lui réponds.

Et Noé qui explique que quelque chose a craqué dans son coeur quand il l'a vu...
Les deux frangins doivent réfléchir intensément parce qu'à un moment, il y en a un qui sort l'argument imparable: " ce serait super, si on l'adopte! On jouera tout le temps avec lui et, du coup, on sera beaucoup moins devant les écrans!"

Et leur maman dans tout ça? Jusque là, elle disait: "Bof, faites ce que vous voulez. Moi, ça m'intéresse pas d'avoir un nouveau chien." Et maintenant, elle dit: "on le prend! Et d'ici un an ou deux, on en prend peut-être un autre des mêmes parents. Ou bien, on lui fera avoir des petits d'ici quelques années et on en gardera un!"

On mitraille Grizzly de photos et de vidéos, et on fait un gros chèque qu'il faut même signer. Et dans deux semaines, on revient le chercher.
En attendant, pour fêter ça, sur le chemin du retour, on s'arrête dans une ferme-auberge typique, comme il n'y en a que dans les Vosges. Ma petite famille mange une part géante de tarte au fromage, et moi une bière. Mais elle est tellement énorme cette part, bien que délicieuse, qu'il m'en restera un petit bout pour le petit déj' de demain. On repart avec un gros bout de Tomme pour l'apéro et des images de notre petit loup blanc plein la tête.

Peut-être vous demandez-vous le pourquoi du nom Grizzly. Alors, j'explique:
J'ai pensé tout d'abord au mot "wood", qui m'a paru bien pour un chien qui va se balader beaucoup dans les bois. Un petit "Y" derrière, auquel je tiens comme clin d'oeil à Loucky, et ça donne donc "Woody". Première proposition.
La seconde que je fais, c'est Paddy. Nom qui me rappelle Paddington, un film génial (le 1 surtout, mais le 2 aussi). C'est aussi le nom d'un whisky, mais pas mon préféré. J'aime mieux le Merlot.
Voilà, je dis tout ça sur le trajet du retour. Et c'est là que Noé nous sort: "je sais! GRIZZLY!" Je crois bien que ça fait tilt pour tout le monde. Ce nom lui ira drôlement bien vu qu'il ressemble un peu à un ourson pour l'instant, et qu'il pèsera quand même dans les 30kg une fois adulte. Plutôt un grizzly polaire. Je ne sais pas si ça existe mais ça fait joli.

En attendant son arrivée chez nous, à Grizzly, j'ai un trampoline à monter. Décidément, je crois que le printemps et l'été s'annoncent vraiment très bien pour mes enfants.